Ce court article a pour objectif de tenter de clarifier le lien entre GNS et immersion.
Il peut être intéressant de lire d’abord cet article sur la théorie GNS et celui-ci (en deux parties) sur l’immersionnisme.
RAPPEL GNS
La théorie GNS dit en gros qu’il y a trois approches du GN et que, pour qu’un jeu soit réussi, tout le monde doit être au courant de l’approche choisie et s’inscrire dedans.
Chacune des trois approches consiste à donner la priorité (j’insiste sur la notion de priorité) à une logique, dans les cas où différentes actions seraient possibles :
– G (gamiste) : privilégier le challenge entre participants (PJ vs PJ ou PJ vs organisateur) ;
– N (narrativiste) : privilégier l’intérêt dramatique de l’histoire ;
– S (simulationniste) : privilégier la cohérence de l’univers.
GNS = FILTRE
Un joueur qui se place dans une approche se pose donc systématiquement la question avant d’agir « Quelle action serait le plus en accord avec l’approche choisie ? ». Cette interrogation peut être considérée comme un filtre à travers lequel le joueur voit le jeu.
En clair, face à la situation qui se présente à moi (par exemple, un orc qui sort des fourrés) :
– G : Quelle action me permettrait de surmonter le challenge du jeu ? (La réponse pourrait par exemple être : l’attaquer ou le suivre)
– N : Quelle action me permettrait de créer la scène la plus dramatique ? (La réponse pourrait par exemple être : devenir son ami ou me faire capturer par lui)
– S : Quelle action me permettrait d’être le plus cohérent avec mon personnage et l’univers ? (Là tout dépend… La réponse pourrait par exemple être : hurler de terreur et m’enfuir)
Aucun des trois filtres possibles n’est, a priori, plus difficile à mettre en œuvre que les autres. En effet, chacun demande un effort de réflexion entre la situation (ou l’idée initiale) et l’action. Cependant, certains joueurs peuvent avoir plus de facilité à pratiquer l’un ou l’autre filtre, soit par caractère, soit par habitude.
DU FILTRE À L’IMMERSION
Lorsque le joueur maîtrise bien le filtre, le temps de réflexion diminue. L’action peut même devenir instinctive, parfois au point de surprendre le joueur lui-même. L’approche sélectionnée est alors devenue naturelle et ne demande plus d’effort. Il s’agit là, à mon sens, du sentiment d’immersion, tant recherché par la plupart des GNistes.
Définie ainsi, l’immersion n’est donc pas liée à une approche GNS particulière. Elle peut être vécue dans chacune des trois approches, dès que le filtre est suffisamment maîtrisé pour devenir naturel.
UTILITÉ PRATIQUE
En pratique, il est à mon avis utile d’avoir ces concepts à l’esprit lorsque l’on discute de l’immersion, que ce soit en général (branlette crypto-intellectuelle) ou en référence à un GN en particulier (par exemple, le vécu par un joueur de telle scène de jeu). Mais il me semble que la compréhension de cette mécanique permet également d’identifier d’éventuels freins à l’immersion, ou de faciliter la compréhension d’expériences différentes d’un même GN.
Enfin, j’espère qu’elle pourra amener les organisateurs de GN à communiquer plus clairement sur le type d’immersion qu’ils souhaitent afin d’améliorer ainsi l’expérience de chacun.